La crise du COVID-19 a révélé l’incapacité des services publics à répondre aux besoins élémentaires des citoyens, notamment du service public postal, démontrant par la même occasion combien ces services étaient indispensables. Pour FO Com, cette insuffisance n’a pourtant rien d’étonnant. Elle est tout simplement le résultat des attaques régulières orchestrées depuis 30 ans par les gouvernements successifs au nom d’une austérité budgétaire généralisée.
Une catastrophe sociale
Ces politiques d’austérité vont jusqu’à mettre en péril la vie des citoyens. Alors que l’hôpital est le seul lieu d’accueil et de soins ouvert à tous 24h/24, 365 jours par an et reçoit 95 % de malades suivis pour des pathologies chroniques, des maladies orphelines, un handicap, des maladies psychiatriques, il lui a été impossible de répondre à l’urgence sanitaire de ces derniers mois. Or il est, pour beaucoup d’entre nous vivant dans des déserts médicaux, le seul lieu de prise en charge possible. La crise du COVID juxtaposée à celle des urgences a mis en lumière la dégradation de la situation hospitalière qui s’opère depuis des décennies. Les sous-effectifs persistants dans les services, le manque de lits et de matériel ont été vecteurs de situations dramatiques. Du côté des soignants, la sous-rémunération a pour conséquences des démissions ou des arrêts maladies tellement les conditions de travail sont devenues intenables.
Et que dire des Ehpad ? Une « tragédie », une « calamité », un « drame ». C’est avec ces mots que la commission d’enquête parlementaire de l’Assemblée Nationale, qui examinait le 21 juillet la situation des Ehpad face à l’épidémie de COVID, a qualifié la situation des résidents et de leurs soignants dans ces structures d’accueil pour personnes âgées dépendantes. Ces dernières ont été les premières victimes du virus, en raison de leur âge et des facteurs de comorbidité, tout a manqué pour les protéger ou les soigner : masques, gel, oxygène, tests, morphine, médicaments… Certains établissements ont vu 70 % de leur personnel et un peu plus de la moitié de leurs résidents, contaminés. À force de considérer le Service public comme une dépense et de voir le poids de l’État comme une charge pour les entreprises, la France, 7ème puissance mondiale, en est arrivée à protéger ses soignants avec des sacs poubelle et à abandonner ses citoyens dans leurs besoins élémentaires, et ceci, de façon plus marquée en zone rurale. Cet abandon est d’autant préoccupant qu’il risque de s’accentuer avec la dématérialisation.
Expliquer pour alerter, alerter pour défendre
Alors que l’exécutif entend conduire d’ici 2022 une dématérialisation complète des services publics avec le programme « Action publique 2022 », FO craint une fracture numérique dont les victimes sont souvent celles et ceux qui ont le plus besoin de recourir aux aides publiques… Les concernés sont principalement les personnes les plus âgées, les plus modestes, les moins diplômées. Or pour FO, la dématérialisation administrative devrait améliorer l’accès aux droits, et surtout ne pas se substituer aux agents dont le statut est garant de l’égalité des citoyens et du lien social. Aucune démarche administrative ne devrait être accessible uniquement par une voie dématérialisée, pour ne pas créer un handicap plus qu’une aide. En 2016, près de 7 millions de personnes se disaient dans l’incapacité de déclarer ses revenus, de télécharger et remplir un formulaire en ligne, ou d’obtenir des informations sur Internet (source : agence du numérique).
Dans son dernier rapport, le Défenseur des droits souligne de nouveau les effets délétères du recul des services publics. FO rappelle que le Service public est un investissement, moteur de l’économie et garant de progrès social. Il y a donc urgence à sortir de ces politiques purement comptables. Ni le projet de l’exécutif d’ouvrir 2 000 Maisons France Services d’ici 2022, ni le redéploiement de quelques milliers de fonctionnaires ne sont des solutions acceptables pour compenser les suppressions de sites et d’emplois réalisées ces dernières années dans l’ensemble des services publics.
« Nous devons faire en sorte de rompre le discours qui ne voit dans le service public qu’une dépense. Le service public, via l’impôt, c’est l’investissement de la nation pour l’égalité et la fraternité, sans lesquelles il n’y a pas de libertés. Les privatisations éloignent le service public de l’usager, détruisent l’emploi, remettent en cause le pacte républicain. Il n’y a pas de République sans service public. Car les services publics sont la République. »
— Yves VEYRIER , Secrétaire Confédéral
Le service public des télécoms, de loin en loin…
Opérateur historique des télécommunications, France Télécom devenue Orange en février 2012, est aujourd’hui loin du Service public. Dès 1988, la Direction Générale des Télécommunications avait pris le nom de France Télécom pour préparer une « libéralisation » du marché à l’image de ce qui s’était fait 4 ans auparavant aux États-Unis. Afin de préparer l’ouverture totale à la concurrence en application des directives européennes, l’entreprise a été transformée en société anonyme au 1er janvier 1997 avec au départ, l’État comme unique actionnaire. Mais, dès la même année, le capital a été ouvert et au fil du temps, l’État a vendu des parts jusqu’à perdre la majorité en 2004. France Télécom devient alors une entreprise privée. Depuis, l’État n’a eu de cesse de se désengager. En 2007, la participation publique était de 27%, elle représente aujourd’hui 22,95% (BPI 13,39 %, APE 9,56 %). En marge de la privatisation, France Télécom change de nom pour devenir Orange en février 2012.
De multiples attaques…
Au-delà du désengagement de l’État que FO Com n’a eu de cesse de dénoncer, Orange doit faire face aux attaques, que ce soit de l’ARCEP, le régulateur des télécommunications, de ses concurrents pour qui tout aide est une entrave à la concurrence libre et non faussée mais aussi de l’État lui-même à travers l’Autorité de la Concurrence qui inflige régulièrement de lourdes amendes en général injustifiées. L’Union Européenne n’est évidemment pas en reste pour s’en prendre à tout ce qui rappelle de près ou de loin le Service public. Ainsi, elle a pénalisé à plusieurs reprises France Télécom en lui imposant de lourdes contraintes financières au titre de la présence des fonctionnaires en son sein. Cependant, quand il s’agit d’assurer des missions qui ne relèvent pas ou plus du Service public – toutefois indispensables -, tout le monde se retourne vers l’opérateur historique ! L’ouverture du marché a obligé Orange à mettre son réseau à disposition de ses concurrents, leur évitant de devoir investir dans les mêmes proportions. L’ouverture totale à la concurrence ne met donc pas tout le monde sur un pied d’égalité. De par son histoire et sa position d’opérateur historique, on laisse facilement à Orange le « non rentable », en utilisant son réseau pour accéder au marché et proposer des offres d’accès. Sans compter les menaces ou sanctions auxquelles Orange doit faire face; un coup c’est Bruxelles qui scrute les aides soi-disant reçues de l’État, un coup c’est l’ARCEP qui sanctionne l’entreprise si elle ne remplit pas, seule, des missions de service public, comme l’entretien du réseau cuivre, alors que cela représente des coûts faramineux et qu’en même temps, la même ARCEP presse Orange de fermer rapidement le dit réseau cuivre.
…Aux effets plus que discutables
Les conséquences d’une telle cacophonie, orchestrée par des directives européennes, se répercutent à différents niveaux : pour les clients, pour les salariés mais aussi pour le développement et l’innovation. La stratégie du plan France Très Haut Débit adoptée en 2013 devait couvrir l’ensemble du territoire en très haut débit pour 2022 avec un investissement de 20 milliards partagé entre l’État, les collectivités territoriales et les opérateurs privés. Or, sans politique industrielle cohérente et une nécessaire régulation avec un contexte d’hyper-concurrence, notamment avec l’arrivée d’un quatrième opérateur mobile, le déploiement du plan THD a pris plusieurs années de retard avec des surcoûts démesurés et des résultats désastreux quant au schéma des Réseaux d’Initiative Publique. Sans compter la différence de coût d’une région à une autre, d’un département à l’autre. Cette situation est exactement l’inverse d’un Service public garant de l’égalité des citoyens. Face à cette situation, Orange a voulu « consolider l’ancrage territorial » et ainsi « renforcer le local » sans pour autant augmenter ses effectifs dans aucun des métiers. Ainsi, plus de 3 000 emplois disparaissent chaque année. Pourtant, la loi Lemaire promulguée en octobre 2016 prévoyait « une République numérique avec les conditions d’un internet accessible au plus grand nombre, au travers de l’accélération de la couverture du territoire en très haut débit et en téléphonie mobile… ». Raté ! Pour FO Com, ce n’est pas faute d’avoir alerté.
Pourtant, une autre vision est possible
Dès la parution des résultats de la mission CHAMPSAUR prévoyant l’extinction du cuivre, FO Com avait indiqué que la disparition du réseau traditionnel entraînerait un problème dans la continuité du service public et que l’installation de la fibre devait être aux mains d’Orange pour éviter l’hégémonie des intérêts particuliers. Pour FO Com, l’État doit être le garant naturel d’une politique publique permettant égalité des citoyens, développement et innovation. C’est la raison pour laquelle nous avons toujours milité en faveur d’un service public des télécommunications qui serait la locomotive dans ce secteur, et afin que cesse le désengagement de l’État en rappelant qu’un euro investi dans le secteur rapporte 6 euros de PIB.
Au lieu d’être attaquée régulièrement pour concurrence déloyale en raison de son actionnaire majoritaire mais en même temps soumise aux directives européennes et aux lois de la concurrence les plus intransigeantes, Orange aurait dû rester le fleuron technologique, moteur de l’écosystème numérique en France. La Nation s’en serait trouvée grandie, les investissements permettant l’innovation, la recherche donc la richesse, technique, économique mais aussi humaine aurait été renforcée. Malgré ces vicissitudes, les personnels d’Orange continuent à assurer le fonctionnement des infrastructures essentielles à la vie de la Nation. Ils l’ont plus que prouvé lors de la crise sanitaire que nous venons de traverser en permettant aux secteurs indispensables de fonctionner tels que la santé, l’énergie, la défense et en aidant les plus fragiles à ne pas rester isolés.
La crise sanitaire révélatrice du bien-fondé du service public postal
La pandémie aura permis de rappeler et de constater combien les services publics ont un rôle essentiel dans l’économie de notre pays, a fortiori dans les domaines d’activités de services postaux et de télécommunications; pour les particuliers, les administrations ou les entreprises. Aujourd’hui, comment travailler sans une connexion internet ? Comment percevoir ses aides sociales sans carte bancaire ?
Service public postal : comment en est-on arrivé là ?
Les cafouillages postaux, notamment dans la distribution du courrier dès l’apparition du COVID-19, resteront des faits marquants dans l’histoire des activités postales. Bien -sûr, tout le monde a été pris de court et la situation, par son caractère inédit, ne pouvait être que déconcertante. Mais au-delà de la sidération qu’elle a engendrée, la crise sanitaire a mis en lumière la faiblesse du grand groupe public qu’est La Poste, face à une situation d’urgence absolue.
Conséquences désastreuses des choix ultra-libéraux depuis le début des années 90
La loi du 2 juillet 1990 donne la personnalité juridique et l’autonomie financière à La Poste et à France Télécom. Cette loi précise que « La Poste et ses filiales constituent un groupe public(…) qui remplit des missions d’intérêt général et exerce des activités concurrentielles ». Alors que ce texte de loi porte sur l’organisation du Service public, apparaît la notion de missions d’intérêt général ne répondant pas exactement à la conception française de service public. Les missions de service public ne sont pas clairement citées, leur financement à peine abordé. C’est le contrat de service public, sans valeur légale, entre l’État et La Poste qui officialise les quatre « missions de service public et d’intérêt général » qu’il est ici bon de rappeler : le service universel postal, la contribution à l’aménagement du territoire par son réseau de points de contact, l’accessibilité bancaire et le transport et la distribution de la presse.
Petit à petit, le ver mange le fruit…
Tout en affirmant que l’entreprise demeurera un « groupe public », la loi du 20 mai 2005 prévoit la régulation du secteur postal avec sa mise en conformité vis-à-vis des directives postales européennes. Et c’est en 2010, avec le changement de statut, que le législateur fait basculer définitivement La Poste en société anonyme. La Poste devient La Poste SA.
Pour ses dirigeants, ce changement de statut permettra à La Poste de solliciter d’autres investisseurs que l’État pour mener à bien ses projets et lui donner une réactivité comparable à celle des autres postes européennes. À l’époque, le législateur devait garantir le maintien d’une participation majoritaire de l’État devant permettre de réaffirmer les missions de service public. Le personnel allait également avoir des garanties. Déjà, et alors que La Poste emploie 299 000 agents (dont 54 % de fonctionnaires) et qu’elle dégage un chiffre d’affaires de plus de 20 milliards d’euros, elle doit faire face à un contexte économique qui se complexifie. Le financement des services publics est déjà LA question centrale. Or, pas un mot sur le sujet.
Faux arguments pour une vraie privatisation
Pour justifier un tel projet, les arguments avancés par la direction de l’entreprise sont tous aussi fallacieux les uns que les autres. Ce qui fait écrire à FO Com « Faux arguments pour une vraie privatisation ». Preuves à l’appui, notre organisation informe postiers et citoyens du danger d’une telle décision. Par exemple, lorsque la direction de La Poste avançait qu’un statut public était un obstacle à son développement, elle avait déjà démontré elle-même le contraire par la création de 102 filiales et par l’explosion de sa croissance externe via l’achat d’entreprises dans le monde entier.
Il fallait également une sacrée mauvaise foi pour avancer qu’ouvrir le capital assurerait l’unité de l’entreprise quand dans le même temps, la métiérisation était déjà bien ancrée, avec des métiers développant leur propre stratégie. Il fallait changer au nom de l’Europe, ceci n’ayant aucun impact sur le service public, l’emploi. Bien au contraire, puisque les postiers pourraient même devenir actionnaires de leur entreprise !
La Poste avait pourtant tout pour affronter la concurrence, se développer et rester une grande entreprise publique. Personne n’était dupe. En participant activement au référendum initié par FO Com seule, sous l’impulsion de son administrateur, les français ne s’y sont pas trompés et ont rejeté une privatisation qui, si elle ne disait pas son nom, était bien réelle. Une opération inutile et néfaste, pour les usagers comme pour les postiers, dont nous constatons chaque jour les dégâts occasionnés.
Interview de Christine Simon
Responsable du secteur Poste à la Fédération
Christine Simon rappelle qu’au-delà de la crise du Covid-19 qui a démontré les insuffisances du service public postal, « FO Com dénonce depuis des années une politique basée sur des réductions de moyens et des pressions sur les personnels. L’obsession de la direction à vouloir toujours réduire ses effectifs pour satisfaire à des exigences de productivité conduit à une situation dangereuse pour tous.
Les postiers subissent de plein fouet le désengagement de l’État. Pour qu’elle puisse continuer à assurer ses missions sans en percevoir le financement suffisant, La Poste cherche à faire des économies à tout prix et les personnels payent un lourd tribut.
Au Courrier, activité la plus en difficulté, les réorganisations sont de plus en plus fréquentes et les effectifs fondent comme neige au soleil. Les conditions de travail sont telles qu’il est impossible d’assurer un service de qualité : tournées à découvert, manque de moyens, colis en souffrance sans parler du dialogue social devenu quasi inexistant. Pour l’instant, les nouvelles activités tournées vers les « services à la personne » ne permettent pas de palier à la chute des volumes du courrier. Le service universel postal (distribution 6 jours sur 7) risque dans un avenir proche d’être remis en question faute de contribution suffisante de l’État. Si cela devait se concrétiser, ce sont des milliers d’emplois qui disparaîtraient.
Concernant l’aménagement du territoire et la présence postale, les nombreuses transformations de bureaux de poste en Agence Postale Communale, Relais Poste Commerçant, Maison de Service Au Public ou encore Maison France Services n’offrent pas la possibilité d’assurer l’ensemble des prestations dont on dispose dans un bureau de poste de plein exercice. Le service postal est désormais à géométrie variable tout comme les horaires d’ouverture. On se cache derrière ces « pseudo-bureaux » pour afficher une présence qui n’a rien d’un service public digne de ce nom. Les vrais bureaux (quand il en reste !) sont organisés en secteurs où les chargés de clientèle doivent être au four et au moulin, tout en acceptant une mobilité contraignante sur l’ensemble de la zone. De plus, les postiers sont aujourd’hui considérés avant tout comme des commerciaux; la rentabilité a chassé le service public. Si l’État souhaite vraiment lutter contre la fracture numérique et sociale, cela passe par la présence de « vrais » bureaux de poste avec les moyens nécessaires.
Malgré cette situation, les postiers de tous les métiers sont investis dans leur mission, conscients du rôle indispensable de La Poste dans la vie économique de la Nation, malgré le manque de moyens et le peu de reconnaissance. Depuis des années, les revalorisations salariales sont à la traîne.
FO Com exige des négociations annuelles obligatoires plus ambitieuses (pas d’accord en 2020 !) et des niveaux de fonction revalorisés pour tenir compte des nouvelles compétences acquises. Ainsi, nous revendiquons plus que jamais le grade de base en classe 2. Il est temps pour l’entreprise de comprendre que les efforts d’adaptation demandés aux postiers doivent être rétribués à leur juste valeur.
Il est urgent de donner aux postiers les emplois et des moyens indispensables. Depuis trop longtemps, le seul calcul économique qui préside au destin de La Poste place ses personnels dans une situation intenable ! ».