Le télétravail est plébiscité depuis la pandémie. Sa mise en œuvre en situation exceptionnelle a permis sa généralisation en période ordinaire. Preuve en est, le nombre d’accords collectifs en la matière ne cesse d’augmenter. En outre, plus de 800 accords avaient été conclus dans les entreprises avant même la conclusion de l’accord national interprofessionnel de novembre 2020. Depuis, la dynamique de négociation sur ce point ne faiblit pas. Elle répond, entre autres, aux attentes des salariés qui contraignent parfois les entreprises à repenser leur mode d’organisation du travail. La culture du présentiel, si rassurante pour les managers, est progressivement abandonnée au profit d’une logique de confiance.
L’expansion du télétravail s’inscrit-elle dans les prémices « de l’explosion » du nomadisme digital ?
Le nomadisme digital est le terme employé pour qualifier des personnes exerçant un métier numérique leur permettant de travailler à distance et de voyager simultanément. À l’instar du véganisme, le nomadisme s’apparente à un mode de vie.
Ce qui est recherché n’est pas tant de travailler à domicile mais surtout d’exercer ses missions dans un cadre qui varie régulièrement. De plus, le nomadisme n’affecte pas seulement la sphère professionnelle de la personne qui exerce cette activité mais également sa vie personnelle. En l’occurrence, la conciliation entre ces deux temps est perméable (le mot ne semble pas approprié) à l’extrême.
Il semble se dessiner, aujourd’hui, un nouveau triptyque dans le monde du travail face, non seulement, à la place de plus en plus importante du numérique dans notre société mais aussi au regard des attentes évolutives des travailleurs : télétravail – flex office (littéralement bureau flottant) et nomadisme digital.
Lorsqu’on pense nomade digital, on imagine souvent des personnes, sur une plage paradisiaque avec leur ordinateur. Certes, cela existe mais n’est pas très représentatif. Même si, sur le papier, la pratique pourrait être tentante, elle fait surgir de nombreuses craintes : La dimension psychologique qui est un obstacle majeur (isolement, difficulté à construire une vie personnelle, etc.). Les enjeux financiers devant, eux aussi, être pris en considération. Se pose également la question du mode de nomadisme : auto-entrepreneur, free-lance, salarié en télétravail ? Dans les deux premiers cas, la sécurité de l’emploi n’est pas garantie. Autrement dit, devenir nomade digital ne se décrète pas et invite de fait à un travail d’introspection car le nomade construit son propre monde du travail.
Nomadisme et travail en entreprise : cette articulation est-elle envisageable ?
Dans un premier temps, il semblerait qu’une réponse négative se profile. En effet, il est au préalable nécessaire de s’imprégner de la culture de l’entreprise, à l’instar du télétravail qui, souvent, ne peut se faire immédiatement (hors cas de circonstances exceptionnelles). Ce n’est pas pour rien que de nombreux DRH et certains partenaires sociaux préconisent de ne pas dépasser deux ou trois jours de télétravail par semaine. Or, par définition, lenomade digital se situe à plusieurs centaines (voir milliers) de kilomètres de son entreprise. La possibilité de créer puis de maintenir des liens avec le collectif de travail lui est extrêmement difficile (même si cela n’est pas impossible).
De plus, dans de nombreuses hypothèses, le nomade digital rejette les contraintes inhérentes aux CDI, notamment l’existence du lien de subordination, c’est-à-dire cette relation de dépendance qui lie le salarié à son employeur.
Travailler en voyageant, cela est-il possible ?
Oui, de nombreux salariés passent le pas mais l’organisation est le maître-mot : gérer les papiers administratifs du pays dans lequel on souhaite s’installer, trouver un nouveau domicile, vérifier que la connexion Wifi existe, etc. En outre, il faut prendre en considération le décalage horaire et les obligations professionnelles et les contraintes personnelles.
En résumé, la pratique du nomadisme ne peut pas se faire sur un coup de tête : c’est un véritable challenge avec des opportunités, des risques, des belles rencontres, des remises en question.
On peut considérer que le nomade digital est un baroudeur jusqu’à devenir, un jour, un expatrié. En revanche, il est certain que ce n’est pas un vacancier.