Dans la société actuelle en profonde évolution, nombre d’enjeux se profilent dans un horizon proche et le collectif y a toute sa place. Ces dernières semaines, plusieurs actions en sont la preuve : manifestations et rassemblements de divers corps de métiers, urgence climatique, discriminations, gilets jaunes, etc. Autant de traductions de la réussite d’un rassemblement collectif autour d’idées qui fédèrent les femmes et les hommes. Certes, les résultats de ces rassemblements peuvent être aléatoires. Il n’en reste pas moins que c’est un premier pas pour se faire entendre. Deux sentiments majeurs drainent ces mouvements : l’indignation et l’envie de faire avancer les choses positivement. Les prises de conscience peuvent naître à toutes les échelles. Mais penchons-nous sur le mouvement syndical et l’engagement de ses militants.
Force est de constater que le monde du travail va mal : chômage de masse, CDD à répétition, retraites incertaines, conditions de travail en berne, salaires qui stagnent… Les inégalités se creusent, la pauvreté augmente, y compris lorsqu’on a un travail, et la crise du logement devient préoccupante. De plus, beaucoup de salariés ne trouvent plus de sens dans leur travail. Au travers du dialogue social à l’échelle de l’entreprise, il est important d’alerter les employeurs sur les potentiels risques que cela peut engendrer, mais aussi de sensibiliser les salariés à rejoindre le mouvement syndical afin de donner plus de poids pour être représenté.
Les enjeux de demain : « Ensemble » doit demeurer la norme
Face à la question de l’isolement dans l’entreprise, les syndicats répondent : le collectif, la solidarité et la préservation des biens communs !
Les organisations syndicales mobilisent, contestent, proposent, revendiquent et négocient pour obtenir des droits collectifs et individuels supplémentaires. Au travers de l’histoire, les syndicats ont pu démontrer que les conquêtes salariales et sociales étaient possibles : salaires, congés, conditions de travail, temps légal de travail, convention collective, gestion paritaire d’un modèle social de qualité (sécurité sociale), etc.
Adhérer à un syndicat ou devenir militant permet de se faire entendre et de contribuer à la réussite des revendications. Sans le nombre, les organisations syndicales ont moins de poids face aux négociations à différents niveaux. Cela permet aussi d’aider les autres en apprenant à écouter, conseiller et informer les salariés, demandeurs d’emploi ou retraités.
Développer la syndicalisation reste alors un défi majeur pour continuer à établir le rapport de force nécessaire à l’obtention de nouveaux droits. Le rôle de régulation est également important pour exprimer les désaccords sans arriver à une crise sociale grave. En d’autres termes, il n’est pas question de laisser les gouvernements et les entreprises décider seuls de l’avenir des citoyens.
La jeunesse : entre statut social et identité à construire
Contrairement à ce que dépeignent les médias, la jeunesse n’est pas une génération désengagée. Les nouveaux modèles de travail, couplés à une certaine vision de ceux-ci, font que les jeunes ont une vision de l’engagement distincte par rapport aux générations précédentes.
Selon l’IRES, les « jeunes actifs » sont surreprésentés en tant que micro-travailleurs et 42 % des autoentrepreneurs ont entre 20 et 34 ans. De plus, un nombre important de cette frange de la population travaille dans des secteurs d’activité où la notion de collectif n’est pas concrète au quotidien, en étant « travailleurs isolés » et/ou sans contact avec les instances représentatives du personnel (TPE, plateforme type Uber, nouvelles technologies,…). De ce fait, les premiers pas dans le monde du travail sont bien différents du modèle salarial traditionnel.
Pourtant, la recherche d’une identité sociale et d’un revenu décent reste une constante de génération en génération. La centralité du travail et des projets sont décrits comme pourvoyeur d’épanouissement et de sens, recherchés par la jeunesse. Pour s’engager, il est nécessaire que les jeunes puissent s’identifier, avec notamment une prise en charge de leurs intérêts et de leurs préoccupations spécifiques. Il faut également noter qu’ils peuvent être mobilisés par plusieurs groupes militants et sous plusieurs formes : en tant que jeunes, travailleurs, ou comme précaires. Au final, le regard de la jeunesse à l’égard de l’engagement peut être fortement influencé par leur socialisation familiale, scolaire et professionnelle.
L’organisation dans le futur monde du travail : de nouvelles formes se profilent
Dans ce paysage bouleversé, il est également assez simple de concevoir l’importance de faire perdurer la négociation collective. Plus souple que la loi mais complémentaire à celle-ci, elle permet d’obtenir de nouveaux droits ou de contribuer à encadrer l’utilisation des nouvelles technologies par exemple. La tâche se complique à la vue des nouvelles formes de travail, dites « indépendantes », où les travailleurs se retrouvent isolés.
Il est compliqué de créer du collectif dans ces conditions, mais pas impossible ! De nouvelles formations ont vu le jour Outre-Atlantique où Freelancers Union a été créée aux États-Unis pour assurer une représentation de ces travailleurs atypiques. Le modèle de la coopérative de travailleurs est aussi à mettre en avant car cela permet aux salariés d’avoir de l’influence sur les décisions stratégiques de leurs entreprises.
L’objectif est clair : il est nécessaire de réussir le renouvellement des générations dans nos syndicats. Cet axe essentiel doit permettre à chacun de trouver sa place, de l’ancien militant au jeune adhérent. Toutes les forces vives seront importantes. Face à l’accélération des évolutions du monde du travail, la capacité des syndicats et des militants à trouver leur place est vitale. La transmission du savoir, la formation, le partage d’expérience, sont des leviers à exploiter pour réussir le passage de témoins aux générations futures. Pour toucher les jeunes et faire en sorte qu’ils comprennent le message syndical, celui-ci doit être adapté, aussi bien sur le fond que sur la forme. Les outils numériques doivent être utilisés à bon escient car on constate, par exemple, une utilisation quotidienne importante des réseaux sociaux par l’ensemble de la population : 135 minutes par jour soit près de 2 heures et demie (source : Enquête Statista – 2017). Mais la question qu’on peut se poser est : combien de temps cette tendance durera-t-elle ? Car comme toute évolution, elle peut progresser de façon exponentielle ou bien se déliter. Le mouvement syndical doit permettre aux futures générations de retrouver le contact humain qui est difficile d’avoir lorsque nous sommes derrière un écran, mais aussi la quête de sens et les valeurs qu’ils auraient perdu dans le monde du travail.
Des freins à prendre en compte pour construire l’avenir
Pour autant, les nouvelles technologies n’expliquent pas tout… Les contextes liés à l’éducation, à l’arrivée dans le monde du travail en pleine crise économique, à l’urgence climatique, au terrorisme, font que la nouvelle génération se trouve confrontée à diverses réalités, les rendant de plus en plus pessimistes au regard de ce qui les entoure. De plus, de nombreux obstacles peuvent brider les jeunes dans leur engagement, notamment ceux liés à l’individuel. Un tas d’enquêtes s’accordent sur deux points : pour près de 9 jeunes sur 10, il y a une volonté affirmée de concilier vie privée et vie professionnelle mais 1 sur 2 trouvent difficile d’établir une frontière entre les deux.
La crainte des conséquences liée à l’engagement syndical s’avère aussi être un frein de taille. Le 12ème baromètre de la perception des discriminations dans l’emploi (Défenseur des Droits et OIT), publié en octobre 2019, indique que s’investir dans le syndicalisme est un risque pour l’emploi ou l’évolution de leur carrière pour près deux syndicalistes sur trois et 42 % des actifs. Cette tendance s’observe plus dans le secteur privé que dans le secteur public. Mais il ne faut pas s’y méprendre : l’engagement doit être considéré à sa juste valeur, un facteur de progrès social. Les discriminations portées à l’égard des syndicalistes enrayent cette dynamique et mettent en péril les droits des travailleurs et la démocratie. Ces réalités pourraient expliquer en partie le faible taux de syndicalisation en France.
FO Com, syndicat initiateur d’actions pour relever ce défi
De nombreuses actions ont été mises en place afin de rassembler les jeunes et les nouveaux arrivants autour de notre vision du syndicalisme : accueil des nouveaux embauchés sur le lieu de travail, opportunités de prises d’initiatives et de responsabilités, évènements syndicaux visant à fédérer les jeunes, représentation à l’international avec UNI Global Union, création de documentation pour informer des activités sociales ciblant particulièrement ce public, etc.