Depuis la création de l’Organisation Internationale du Travail, le nombre de ses membres ne cesse de croître. Les normes qu’elle produit sont universellement connues, référencées et appliquées. L’OIT contribue à sensibiliser l’opinion à la dimension sociale de l’organisation de l’économie, des échanges et des politiques, ainsi qu’aux dimensions environnementales et climatiques.
L’objectif de la justice sociale demeure un objectif à atteindre. Malgré les avertissements répétés de l’OIT, les États ont choisi de poursuivre les mêmes politiques d’austérité menant à des inégalités sans précédent et à une financiarisation de l’économie au détriment de l’humain. Or, ce qui devient capital à l’aube du centenaire de l’OIT, c’est de renverser le cours pris par la mondialisation afin que la dimension sociale ait la primauté.
De nombreux défis se posent encore aujourd’hui et beaucoup d’entre eux restent à relever, que ce soit en matière de limitation du temps de travail, d’interdiction du travail forcé et du travail des enfants, d’un dialogue social fondé sur la liberté syndicale et la négociation collective ainsi que l’universalité du concept de travail décent!
Remettre le social au cœur des politiques pose, en premier lieu, la question de la cohérence entre les politiques économiques, budgétaires, monétaires et commerciales, tant au niveau national qu’international. Les États doivent faire en sorte que l’OIT soit reconnue comme chef de file de la cohérence sociale. En 2009, à la veille du 90e anniversaire de l’OIT, la France appelait cette dernière à réguler la mondialisation, affirmant que l’OIT avait son mot à dire au niveau de l’OMC, du FMI et de la Banque Mondiale…
FO considère que l’OIT doit être reconnue et considérée comme leader incontesté et incontestable afin d’évaluer et suivre la responsabilité des entreprises de respecter le droit du travail. D’autant plus qu’il devient urgent de redonner sa pleine place à l’économie réelle, assurant le droit au plein-emploi, dirigée vers les besoins des populations et intégrant les dimensions environnementales et sociales et prenant en compte l’impact de la numérisation de l’économie et de nouvelles formes de relations de travail.
« OIT 100 »
L’OIT est créée au sortir de la Première Guerre Mondiale sous l’égide du Traité de Versailles. C’est l’unique institution internationale tripartite rassemblant des représentants de gouvernements, d’employeurs et de travailleurs au sein de ses organes exécutifs. En 1946, l’OIT devient une institution spécialisée des Nations Unies et obtient le Prix Nobel de la paix en 1969.
Les fondateurs de l’OIT ont mesuré l’importance de la justice sociale pour assurer la paix alors que les travailleurs étaient exploités dans les nations industrielles de l’époque. Avec la prise de conscience de l’interdépendance économique du monde, est apparue la nécessité de coopérer pour offrir des conditions de travail similaires dans les pays en concurrence sur les mêmes marchés.
L’OIT a été partie prenante de l’histoire du siècle écoulé : la grande dépression, la Deuxième Guerre mondiale, l’émancipation des pays colonisés, la Guerre froide et la victoire sur l’apartheid en Afrique du sud.
Aujourd’hui encore, au moment où une vision libérale réduisant la question sociale à une variable d’ajustement se répand dans tous les pays du monde, la pertinence et le rôle de l’OIT sont plus que jamais prépondérants.
BELGIQUE : franc succès de la grève générale
Cette grève générale du 13 février contre notamment, la modération salariale, a été fortement suivie, aussi bien en Flandre qu’en Wallonie, dans le secteur public comme dans le privé. Dans le textile, la métallurgie, la chimie, le commerce, le bâtiment… Les salariés d’au moins six cents entreprises ont massivement débrayé, comme à Gand où seulement une trentaine des 6 000 travailleurs de Volvo Car ont embauché. L’appel, lancé par les trois confédérations syndicales belges, la FGTB (socialiste), la CSC (chrétienne) et la CGSLB (libérale), faisait suite à l’échec des négociations salariales pour 2019 et 2020, le patronat refusant d’aller au-delà de 0,8 % d’augmentation. Ils réclament une hausse des salaires, une hausse des allocations et pensions, ainsi que de meilleures conditions de fin de carrière.
Depuis la loi de 1996 relative à la promotion de l’emploi et à la sauvegarde préventive de la compétitivité, les augmentations de salaires du secteur privé (et des entreprises économiques publiques depuis 2015) ne peuvent dépasser une limite fixée tous les deux ans. De plus, depuis 2017 il n’est plus tenu compte des diminutions des cotisations sociales des employeurs pour calculer la marge d’augmentation considérée comme possible. Les organisations syndicales ont annoncé de nouvelles actions d’ici les élections des 150 députés de la Chambre des représentants, fin mai.
PORTUGAL, la colère monte…
Le 15 février, 80% en moyenne des fonctionnaires portugais étaient en grève pour une augmentation de leur salaire, à l’appel des deux principales organisations syndicales du pays, la CGTP et l’UGTP. Cette grève s’est inscrite dans un contexte social général déjà très agité, marqué notamment par une grève entamée le 31 janvier à l’appel de deux syndicats d’infirmiers, revendiquant eux aussi des augmentations, mais aussi par une multiplication des grèves dans le secteur privé. Pourtant, le gouvernement socialiste élu en 2015 a progressivement relevé le salaire minimum du secteur privé de 530€à son arrivée au pouvoir à 600€ brut (sur 14 mois) à compter du 1er janvier 2019. Mais le loyer mensuel moyen pour un logement d’une pièce à Lisbonne ou à Porto avoisine les 850€.
Le 1er janvier également, le salaire minimum de la fonction publique a été augmenté en une seule fois, de 580€ à 635€. Mais cette hausse concerne à peine 10 % des 665000 fonctionnaires du pays. Le gouvernement d’Antonio Costa a également rétabli les 35 heures dans la fonction publique (au lieu des 40 heures imposées par la Troïka en 2011) et embauché 20000 fonctionnaires dans l’éducation, la santé et la justice. Mais 110000 postes avaient été supprimés par le précédent gouvernement…
De plus, le gouvernement actuel, non content de n’être pas revenu sur la loi Travail de son prédécesseur (qui a facilité les licenciements), a pour projet de déréglementer plus encore le droit du travail avec une nouvelle réforme qui autoriserait les entreprises à payer un quota d’heures supplémentaires au tarif des heures normales.
Et si le taux de chômage officiel est descendu à 6,7% en 2018, contre 18% de 2011 à 2014, en réalité environ 30% des salariés sont sous contrats précaires. Le taux grimpe à plus de 41% parmi les moins de 35 ans et à 66% pour les moins de 25 ans.
« Gangsters du numérique » : Facebook en accusation
Une commission parlementaire britannique a publié un rapport accablant pour le réseau social traité de « gangster du numérique ».
Tout part du scandale Cambridge Analytica au Royaume Uni, cette entreprise liée à l’extrême droite américaine et à Steve Bannon, un temps collaborateur de Donald Trump, qui a utilisé des dizaines de millions de données personnelles de Facebook pour envoyer des publicités politiques ciblées. L’enquête porte également sur des soupçons de désinformation russe profitant du laxisme de Facebook dans la protection des données personnelles.
Et le rapport estime que Facebook a agi « en toute connaissance de cause et intentionnellement ». Ce qui constitue un problème majeur concernant le plus grand réseau social mondial, utilisé par plus de deux milliards d’individus, pour nombre desquels il constitue l’accès principal à l’information.
Les faits montrent que l’autorégulation est illusoire. Le rapport préconise, pour le Royaume-Uni, la création d’une autorité indépendante de régulation des réseaux sociaux, habilitée à faire retirer des contenus litigieux, imposer la transparence, sous peine de fortes amendes… Toutes mesures qu’il y aurait lieu de généraliser au niveau européen afin d’infléchir le rapport de force en faveur des citoyens.
Des syndicats européens affaiblis mais essentiels
Chômage et individualisation obligent, les syndicats perdent de la vitesse en Europe, mais demeurent la principale force de frappe contre les inégalités salariales. En leur absence, il arrive que des salariés précaires s’organisent pour arracher des droits.
Le mouvement d’érosion a commencé dans les années 1980. Le taux de syndicalisation en France, Pays-Bas, Irlande, Grande-Bretagne ou Suisse, a chuté de plus d’un tiers, selon l’OCDE. Économistes et instituts de recherche lient cette baisse à une montée de l’individualisation, au chômage, à la précarisation de l’emploi, puisque précaires, sans-emploi et retraités se syndiquent peu. L’Institut de recherche économique et social (Ires) évoque aussi une baisse des ressources financières.
En Europe, le taux de syndicalisation est très variable et difficilement comparable tant les systèmes diffèrent. De près de 10 % en France ou en Pologne, il frôle les 20 % en Allemagne et en Espagne et culmine à près de 70 % en Suède et Finlande. Or l’ampleur de la syndicalisation a un impact sur l’égalité salariale.
En 2015, deux chercheurs du Fonds monétaire international (FMI) – peu complaisant avec les syndicats – ont publié une étude en ce sens, montrant que le déclin des syndicats dans les pays riches a aggravé les inégalités sociales. Un déclin qui a réduit « la capacité de négociation » des salariés au bénéfice des actionnaires et des plus gros revenus. La présence syndicale diminue également le recours aux stock-options, de même que les niveaux des salaires des P.-D.G.
Le taux de couverture conventionnelle importe également car les conditions salariales sont plus favorables quand on est couvert par une convention collective. Généralement supérieur à 50 %, il frôle les 100 % dans certains pays (Autriche, France, Slovénie).
La puissance de négociation varie d’un pays à l’autre. Le syndicat de branche allemand, IG Metall (2,3 millions d’adhérents) vient d’arracher un accord sur la semaine de 28 heures et une hausse des salaires. Le puissant syndicat était le seul interlocuteur face au patronat mettant en avant une union syndicale qu’on retrouve aussi en Espagne ou en Suède.