L’invité de ce matin [ce vendredi 21 octobre 2016, sur France Bleu], c’est François Vuitton, employé de La Poste et secrétaire, en Meurthe et Moselle, du syndicat Force Ouvrière au micro d’un journaliste de France Bleu. Zoom sur la mutation de La Poste, les conséquences des fermetures de bureaux de poste, la dégradation du service public postal, les nouveaux services…
France Bleu (F. B.) :
Oui, précisément secrétaire départemental du syndicat FO à La Poste. Bonjour François Vuitton. Alors, au préalable, je tiens à préciser que nous avons invité la Direction de La Poste ce matin. Mais elle a refusé de s’exprimer. Vous êtes donc le bienvenu dans ce studio. Alors, plusieurs collectifs de défense de services publics ont manifesté hier devant la Direction de La Poste à Nancy pour protester contre des projets de réorganisations. Il y avait une grande réunion à la Direction. En gros, il s’agit de remplacer les guichetiers, les facteurs actuels par des facteurs-guichetiers, nouvelle profession manifestement. Et les manifestant y voient, eux, une volonté de « tuer » le bureau de poste à terme. Ont-ils raison de s’inquiéter ?
François Vuitton (F. V.) :
Ils ont raison de s’inquiéter ! Alors, le facteur-guichetier d’abord, ce n’est pas un nouveau métier. C’est un très vieux métier qui revient sur le devant.
Mais en l’occurrence, il vaut mieux s’inquiéter de la fermeture des bureaux de poste que des facteurs-guichetiers. Un facteur-guichetier, c’est au moins la puissance publique, si j’ose dire, bien qu’on soit une société anonyme. Mais c’est un postier qui assure le service même si [ce dernier] est limité, même s’il y a peu de temps. Mais en l’occurrence, il vaut mieux s’inquiéter de la fermeture des bureaux de poste. Et là, ça risque de « tomber, oui…
France Bleu (F. B.) :
Sur le statut de La Poste, François Vuitton, vous dites que c’est une société anonyme, mais détenue à 100% par l’État ?
François Vuitton (F. V.) :
Oui, que ce soit en direct ou par le biais de la Caisse des Dépôts et Consignations, c’est 100% à l’État. Mais ce n’est plus un service public. Elle a juste des missions de service public et elle en profite…
France Bleu (F. B.) :
Alors, la Direction – on l’a entendue – dément tout projet de fermetures mais elle précise tout de même : le bureau de Leyr, c’était 45 clients/jour en 2014. C’est 30 clients/jour en 2016. Peut-on, François Vuitton, (je vous pose la question directement ce matin), peut-on, doit-on maintenir un bureau de poste à tout prix ?
François Vuitton (F. V.) :
Le service public a ceci de particulier : c’est qu’il doit s’appliquer à tous les citoyens. Tous les citoyens doivent avoir accès à ce service. Alors peut-être pas un, mais une trentaine de citoyens par jour, ce sont des gens qui ont besoin de ce service, qui ont besoin d’aller chercher de l’argent sur leur compte, d’acheter des timbres, etc., ou de faire de l’affranchissement. Ils en ont besoin. Cela a un coût, certes… Ensuite, il faut savoir ménager comment essayer de ménager la chèvre et le chou. La Poste, elle dit : « je ferme tout ». Mais elle a quand même des missions d’ouverture. Alors, ensuite, on est cadré par un [contrat] tripartite entre l’État, l’Association des Maires de France et La Poste. Ce contrat tripartite est en négociation en ce moment. Et pour ce que j’ai pu en lire, ça va être pire. Donc c’est pour cela que ces collectifs font bien de monter en ligne. Et d’ailleurs, si j’en juge par ce qui peut se passer ailleurs en France… J’ai l’exemple de Rennes en tête, où il y avait 19 bureaux de poste. On en a supprimé 8 ! A Rennes !
France Bleu (F. B.) :
A Rennes même… Alors, je vous entends, François Vuitton. Mais cet exemple n’est-il pas une parfaite illustration d’une mutation de La Poste avec de moins en moins de bureaux en France ? Et la Direction joue sur les mots parfois quand elle dit : « on ne ferme jamais de bureaux, on maintient le service… »
François Vuitton (F. V.) :
Alors, La Poste ferme des bureaux de poste. Elle ne maintient pas le service. Quand vous avez un service qui est dégradé parce que l’on a changé de statut. On ne maintient pas le service, on fait de la fermeture.C’est transférer les charges par exemple aux communes quand il s’agit d’une agence postale communale …ou un relais poste commerçant. Ou… La Poste, elle imagine beaucoup : il y a les relais poste urbains où on ne peut plus de retirer d’argent ..pour vous dire comme le service est dégradé ! Et on a même le RPESS, donc c’est Relais Poste Économie Sociale et Solidaire à Dinozé dans un CAT. Voilà !
France Bleu (F. B.) :
Il y a 109 bureaux d e poste en Meurthe et Moselle contre 132 en 1995 ; il y en a 60 dans les Vosges d’après les syndicats. La Direction entend les bureaux en dessous de 100 clients par jour. Vous avez vu passé cette note ? C’est vrai ?
François Vuitton (F. V.) :
Ah non, non, il n’y a rien d’écrit. Surtout pas ! Enfin, on sait compter, on regarde, parce que cela nous est présenté. En fin de compte, ça nous est quand même présenté. Alors, en dessous de 100 clients/jour c’est chaud ! Si on descend encore en dessous, c’est très très chaud. De toute façon, le président Wahl, le président de La Poste ne s’en est pas caché. Il a dit : « moi, il me faut 3.000 bureaux de poste ». Alors, divisez ! Il y a une centaine de départements. Cela fait 30 [bureaux de poste] par département.
France Bleu (F. B.) :
Vous l’avez dit tout à l’heure et avez abordé la question du facteur. Il est amené à tout faire. Il est multitâche. La Poste tente de diversifier ses activités en proposant de nouveaux services : l’examen du code de la route, l’aide aux personnes âgées – ça, c’est nouveau – ça va renter en vigueur, en service le mois prochain. Est-ce que c’est son rôle, François Vuitton ? Comment cette évolution des métiers est perçue par les équipes sur le terrain ?
François Vuitton (F. V.) :
Alors en fait, c’est compliqué parce qu’il n’y a pas beaucoup de sens. Avant, La Poste, enfin les facteurs notamment, c’était le courrier, l’acheminement. C’était des choses très simples. Il se trouve qu’effectivement, on ne peut pas nier que le courrier est en chute libre. Et, La Poste cherche à donner du travail aux équipes. Le problème, c’est que ce qu’elle cherche, c’est tout et n’importe quoi. Et surtout, ce n’est pas correctement dimensionné par rapport à la charge de travail. Aller voir une personne âgée : pourquoi pas ? Les facteurs le font depuis la nuit des temps ; il faisait cela gratos. Donc, là ça serait payant… Et c’est quoi aller voir une personne âgée ? C’est trois minutes, deux minutes, quatre minutes, cinq minutes ? Si c’est « Bonjour Madame, au revoir Madame ! », c’est, allez, 27 secondes. Et puis, c’est comme cela que ça fonctionne…
Pour écouter l’intégralité de l’interview : L’invité de France Bleu matin : François Vuitton