L’autorité de la concurrence, par sa décision du 15 décembre 2015, vient de sanctionner durement des entreprises de messagerie pour entente illicite sur les prix. Les faits incriminés et avérés remontent à la période s’échelonnant de septembre 2004 à septembre 2010.
Deux entreprises appartenant au Groupe La Poste, via le holding Géopost, écopent au total d’une amende de 144,117 millions d’euros. Il s’agit de Chronopost et de DPD France (Exapaq à l’époque des faits). La surprise est d’autant plus grande qu’au moment où les faits furent révélés, l’éventuelle pénalité était estimée à
45 millions d’euros !
La Fédération FO Com constate que ces deux filiales ont reconnu les griefs qui leurs sont reprochés et n’ont pas participé aux échanges « bilatéraux et multilatéraux » de ce cartel secret. Ce qui leur vaut, de la part de l’Autorité de la concurrence, une minoration d’au moins 26% sur l’amende initialement prévue.
Chronopost et DPD France ne sont pourtant pas entrés dans ce système d’entente à leur insu… A quel niveau ce choix d’entrer en collusion a-t-il donc été effectué ? On est en droit de se poser la question. Quoiqu’il en soit la responsabilité morale de l’Etat et de la Caisse des Dépôts et consignations, actionnaires de La Poste, est aussi engagée dans cette affaire peu reluisante.
Ceci posé, la totalité des pénalités infligée à l’ensemble des protagonistes (672 millions d’euros) ne peut qu’accroître les difficultés d’un secteur dont l’Autorité de la concurrence reconnait elle-même qu’il se caractérise « depuis plusieurs années par une rentabilité très faible voire négative ». Ces difficultés entrainant de massives suppressions d emplois.
Dès lors, même si l’Autorité, dans sa grande mansuétude, exonère de pénalités les petits comparses des cartels mis en cause, elle n’hésite pourtant pas à obérer l’avenir de milliers de salariés.
Si cette amende exorbitante est maintenue en l’état pour Chronopost et DPD France, c’est à l’évidence le Groupe La Poste qui sera obligé de venir en aide à ses deux filiales. Cela pénalisera forcément les postières et les postiers ainsi que le service public postal.
En tout état de cause, FO Com attend de La Poste qu’elle fasse appel de cette décision aussi dogmatique que dangereuse.
Par ailleurs, il est permis d’être surpris quant aux motivations des deux entreprises qui, parties prenantes à l’entente, ont jugé bon de la dénoncer auprès de l’Autorité selon la procédure pudiquement baptisée « programme de clémence » dans le Code du commerce. Il est peu probable qu’un remord soudain ait motivé cette repentance. Certes les intéressés ont bénéficié pour leur collaboration « spontanée » d’une remise de peine financière. Mais était-ce cela leur véritable mobile ? En effet Schenker et Alloin, puisqu’il faut les nommer, sont des filiales des deux puissants groupes de transport et de messagerie Deutsche Bahn et Kühne-Nagel, qui se heurtent en Allemagne et en Europe centrale à la concurrence de DHL et de DPD. Le coup financier porté à leurs concurrents directs ne les desservira pas.
Faute de politique industrielle digne de ce nom dans le transport et la logistique, l’Etat, en appliquant de manière très zélée les dogmes de la concurrence libérale, affaiblit les entreprises françaises.
Il est encore une fois démontré que la concurrence prétendue pure et parfaite engendre des effets pervers qui pénalisent surtout l’emploi tout en remplissant les caisses de l’Etat, point d’aboutissement des amendes infligées. Comme on le constate avec les pénalités récurrentes appliquées à Orange.
Ce dont l’économie a besoin c’est de plus de réglementation à priori et moins de régulation à postériori.
Paris, le 16 décembre 2015
Le Secrétaire Général
Philippe CHARRY