Depuis plusieurs années, la logique économique de La Poste est essentiellement fondée sur des gains de productivité réalisés sur la masse salariale avec les conséquences humaines qui les accompagnent… Confrontée depuis plusieurs mois à une multiplication des conflits dans les bureaux de poste, allant de plus en plus souvent jusqu’à la grève, et à une médiatisation de la souffrance au travail des facteurs après plusieurs cas de suicides, la Direction a ouvert des négociations sur les conditions de travail au courrier et a accepté le 26 octobre dernier de suspendre les réorganisations de services en cours jusqu’à la fin de la négociation. Elle a ainsi répondu à une demande des organisations syndicales.
La Poste a supprimé 3 000 à 5 000 postes de facteurs par an depuis 2005 avec pour motif la baisse du volume du courrier. Mais en réalité, les agents subissent une totale inadéquation entre les effectifs et la charge de travail réelle. Un des problèmes majeur est la sous-estimation du temps nécessaire à chaque tâche. Aujourd’hui, c’est un logiciel informatique qui calcule ce chiffre pour chaque opération. Or, celui-ci ne tient pas compte de la réalité du terrain ! Pour les facteurs les tournées sont de plus en plus longues, mais les heures supplémentaires, elles, ne sont pas payées…
Pour FO, les premières propositions de La Poste sont « largement insuffisantes »
Dans l’immédiat, la « priorité des priorités est de combler par des emplois pérennes les postes laissés vacants (notamment après des départs en retraite non remplacés) et d’équilibrer la force de travail avec la charge de travail réelle », explique Martine Buty, chargée du secteur Courrier à la fédération FOCom. Cela « exige d’étudier la charge de travail de manière honnête, c’est-à-dire, tournée par tournée ».
La direction évoque la possibilité d’un millier d’embauches pour remplacer les postes laissés vacants. « C’est un pansement sur une jambe de bois », dénonce la fédération FO, rappelant que cela ne ferait au final que dix embauches par département en moyenne. Des embau-ches dont, de surcroît, la direction ne précise pas sous quel type de contrats elle compte les concrétiser. Au-delà du comblement des postes vacants que FO réclame en urgence, il restera à négocier une véritable reconnaissance du travail des facteurs, par une valorisation professionnelle, ce qui passe aussi par la rémunération. Et de ce point de vue, « les premières propositions de la direction ne répondent pas non plus aux attentes des agents ». La Poste propose aussi de créer une nouvelle fonction, celle de « facteur polyvalent ». Or celle-ci existe déjà en réalité. Il s’agit du facteur rouleur qui remplace les absents sur un site. Cela ne serait qu’un changement de dénomination. Pour FO, la seule façon de professionnaliser cette fonction de remplacement est de lui accorder un niveau de classification supérieur, avec la rémunération correspondante.
La coupure méridienne, un moins pour le facteur et l’usager
Autre pierre d’achoppement : la coupure méridienne, déjà en application dans beaucoup d’endroits mais que la direction voudrait imposer à tous les facteurs. Ceux-ci voient pour la plupart d’un très mauvais œil cette réorganisation de leurs temps de travail qui provoquerait un chamboulement de leur vie de famille et un manque à gagner financier pour beaucoup, dans la mesure où ils devraient désormais se restaurer à l’extérieur de chez eux, en particulier lorsqu’ils travaillent en zone rurale. FO revendique l’attribution d’un taux repas quotidien aux agents en pause méridienne. Enfin du point de vue de la qualité du service rendu, beaucoup d’usagers doivent s’attendre à ne recevoir leur courrier qu’en fin de journée, ce qui peut être pour le moins gênant, en particulier pour les abonnés à la presse quotidienne.
« Nous allons tirer tout ce que nous pourrons de cette négociation »
Mais si d’autres organisations syndicales (CGT, Sud et UNSA) ont jusque là quitté la table des négociations, la fédération FOCom a refusé « d’abandonner les agents à leur sort ». Il faut considérer les propositions de la direction comme une base de discussion explique Martine Buty, ajoutant : « nous voulons des mesures immédiates pour atténuer dans un premier temps la souffrance actuelle, et ce n’est pas en quittant la table de négociations qu’on va y arriver ».
L’encadrant, seul entre le marteau et l’enclume !
En Plateforme de Distribution du Courrier, les encadrants de proximité sont en contact direct avec les facteurs. Ce métier comporte deux aspects : un aspect humain et l’autre plus technique.
D’un point de vue humain, l’encadrant de proximité doit gérer le relationnel avec les facteurs et les agents en cabine. Il joue souvent le rôle de « tampon ». Il se situe au goulot d’étranglement d’un sablier. Il subit des pressions de toute part. Des pressions hiérarchiques (le siège, le directeur d’établissement, les RH, le responsable de production) et des pressions de la part des facteurs qu’ils encadrent, des clients, de la gestion des véhicules et des demandes RH de plus en plus fréquentes.
Il est, en un sens, entre le marteau (sa propre hiérarchie) et l’enclume (les demandes légitimes des facteurs qui sont sous sa responsabilité).
Submergé par le travail et à cause d’un manque de personnel, il peut quelquefois effectuer des tâches de facteurs ou des tâches que personne ne doit faire comme le fait de retourner les imprimés publicitaires ou de faire réparer un scooter en panne. Cette tâche n’incombe ni aux facteurs, ni aux agents de la cabine ni à l’encadrant de proximité, qui doit, cependant, l’accomplir. Avant, il y avait un collègue polyvalent. Mais, à force de supprimer des emplois, l’organisation est tendue et bon nombre de chefs d’équipe mettent la main à la tâche et ne peuvent plus faire leur propre travail.
L’aspect technique est la deuxième caractéristique du métier d’encadrant de proximité. Celui-ci doit maîtriser une multitude d’applications informatiques dont le nombre ne cesse d’augmenter. Il doit aussi connaître les règles RH qui évoluent et se complexifient. De plus, l’accueil des nouveaux arrivants lui incombe que ce soit des CDI, des CDD ou des intérimaires.
Le manque de temps est la première difficulté car il doit effectuer des « tâches de production » au point que certains encadrant font des tournées. Le manque de moyens est aussi leur quotidien. Certains d’entre eux le disent : « Faut tout faire avec personne ! » Il manque du personnel et il manque aussi des véhicules que ce soit des voitures ou des vélos.
De plus, il y a un manque évident de reconnaissance : rarement, la hiérarchie remercie et les salaires n’évoluent guère. Le grade de référence de l’encadrant de proximité est le III.1. FO revendique le III.2 et ce n’est qu’une rétribution juste et équitable.