Le rapport public sur La Poste rédigé par les Magistrats de la Cour des Comptes ne surprendra que ceux qui veulent l’être.
En effet, ses grandes lignes d’inspiration libérale étaient déjà clairement affirmées dans les deux ballons d’essais publiés cette année, respectivement consacrés à la distribution postale et au réseau des bureaux de poste. En rédigeant, en réponse, une brochure intitulée « Les mauvais comptes de la Cour », la Fédération FO Com avait critiqué l’argumentaire et les présupposés qui orientent, encore aujourd’hui, la réflexion des « Sages de la rue Cambon » (appellation qui laisse entendre que la sagesse peut découler de la réussite à un concours administratif ou des hasards d’une nomination…).
Si une analyse approfondie de ce lourd remake des opus précédents exige un délai conséquent, des réactions immédiates s’imposent. Elles tiennent aux préconisations et à la tactique employée :
- La formule « débat public » brandie par la Cour, si elle présuppose une adhésion naturelle à la démocratie, n’est en fait qu’un mécanisme de manipulation qui entretient le flou sur les acteurs du dit débat. L’expérience anti-démocratique de la loi Travail est éloquente à cet égard.
Évoquer la « complexité des relations sociales » tout en laissant planer l’opinion qu’elle serait source de déséquilibre pour l’entreprise relève de l’insinuation pusillanime : FO Com rappelle que, lorsque le Pays comme La Poste furent en « déséquilibre » aux heures difficiles de l’Histoire, les postières, les postiers et leurs syndicats ne firent pas défaut à la République.
- Il est provocateur d’annoncer à des agents publics que leurs rémunérations doivent être mieux maitrisées, donc trop généreuse, alors que les salaires des contractuels évoluent largement en deçà de la moyenne nationale, au niveau du SMIC pour des dizaines de milliers d’agents, et que les traitements des fonctionnaires sont bloqués depuis six ans. En outre, FO Com dénonce la pression culpabilisatrice consistant à « lier l’évolution des salaires à des objectifs de transformation de l’entreprise ». Faudra-t-il qu’ils fassent allégeances aux choix politiques de l’Etat actionnaire et des dirigeants pour obtenir des augmentations
- De même, oser prôner la poursuite des suppressions d’emplois alors que maintes postières et postiers atteignent leurs limites, physique et psychique, en raison de la chute sans égale des effectifs relève de l’irrespect.
- C’est faire montre d’une incapacité foncière à saisir les réalités du terrain et à comprendre la vie au travail que d’inciter à accélérer des réorganisations et restructurations qui ne font qu’aggraver les dysfonctionnements qu’elles prétendent résoudre, qu’il s’agisse de questions matérielles ou humaines. Ce n’est pas en écrasant les postières et les postiers qu’on leur donnera de l’allant…
FO Com défend et défendra sans relâche les Postiers qui sont aujourd’hui soumis à la pression de la surproductivité, des réorganisations incessantes, du malaise social grandissant et des salaires au rabais, toutes choses dont les hauts fonctionnaires de la Cour des Comptes n’ont manifestement que faire.
Au-delà de ces thèmes récurrents, FO Com réitère ses interrogations quant à la dérive qui, depuis des années, voit la Cour des Comptes s’émanciper de son rôle originel de contrôle de gestion des deniers publics pour s’immiscer dans le champs de leur opportunités puis dans celui des choix politiques. Lesquels relèvent des instances démocratiques de la République et non des hauts-fonctionnaires, revêtus ou non de la robe de magistrats.
A travers le cas de La Poste ce n’est pas seulement la question du service public qui se pose mais celle de la pérennité de la République. Une République confrontée à la dévastation néo-libérale. Il faudra bien choisir entre le gouvernement des technocrates et des juges et celui des citoyens et leurs instances élues.
Paris, le 13 décembre 2016
Le Secrétaire Général
Philippe CHARRY