Pourquoi ce rapport sur le Service Universel Postal (SUP) ?
Depuis 2018, le SUP ne compense plus les 3 autres missions de service public confiées à La Poste par la loi postale de 2010. Le déficit arrive aujourd’hui à 1,3 milliards d’€. Comme l’écrit le rapporteur, Jean Launay, ancien député, missionné par le ministre de l’économie qui lui a commandé ce rapport : « Aucune entreprise ne peut porter dans son modèle économique un déficit annuel approchant 1 milliard d’euros pour les missions de service public qui lui sont confiées ». Ce déficit, devenu chronique, a forcément des causes qu’il faut analyser, des impacts qu’il faut mesurer et nécessite des actions et des leviers de compensation.
Sur les causes
Que dit le rapport ? Les 10 dernières années ont vu une baisse accélérée des volumes du courrier de 39% et une baisse induite du CA du Courrier qui est passé sur la même période de 41% à 18,7% du CA du Groupe. Concrètement, cela se traduit par une perte de CA d’un demi-milliard d’euros par an qui, au final, rend le SUP déficitaire à partir de 2018. C’est principalement la modification des usages des professionnels et des particuliers et l’émergence du numérique qui expliquent cette tendance de fond.
Que dit FO ? Cette baisse était largement prévisible, bien avant 2010, avec l’émergence du « numérique », des NTIC (nouvelles technologies de l’information et de la communication) et de la digitalisation des échanges. Le plan stratégique 2015-2020 « Conquérir l’avenir » prévoyait d’ailleurs une part du CA Courrier à moins de 20% du CA Groupe en 2020. La Poste n’a pas su se transformer pour devenir un acteur du numérique de premier plan. La branche Numérique n’a dégagé qu’un CA de 102 millions d’euros, soit 2,2% du CA du Groupe…
Sur les impacts
Que dit le rapport ? Malgré cette baisse continue, le contenu du Service Universel n’a pas été remis en cause : maintien de la collecte et de la distribution du Courrier 6 jours sur 7. Par ailleurs, les autres missions de service public ont été maintenues : distribution de la presse, mission d’accessibilité bancaire et mission d’aménagement du territoire avec le maintien de 17 000 points de contact. La « maîtrise des coûts » a eu des impacts sur l’emploi : réduction des effectifs de 47000 personnes depuis 2013. Impacts sur le coût de la lettre pour les clients avec une hausse continue de 3% par an de 2009 à 2017 et de 5% par an depuis 2018 !
Que dit FO ? Ces « efforts d’optimisation » ont représenté environ 600 millions d’€ par an. Ces mesures ont fortement impacté les postières et les postiers que ce soit en termes d’emploi, de conditions de travail, de pouvoir d’achat. Au quotidien, ce ne sont que réorganisations continues avec productivité, accroissement de la précarité de l’emploi et stagnation des salaires. Il est urgent que La Poste recherche des leviers de compensation externes, ailleurs que dans les poches des postiers.
Sur les actions et leviers de compensation
Quelles mesures propose le rapporteur pour aujourd’hui et pour demain ? Le rapporteur pose le principe du maintien du SUP et de son contenu, avec des aménagements (courrier hybride, J+3…), et des autres missions de service public qui ont démontré le besoin d’excellence relationnelle incarnée par les postiers durant la période de crise sanitaire. Il propose aussi la création d’une cinquième mission de service public autour du service à la personne et de l’inclusion numérique. Ce faisant, il propose une série de leviers pour compenser le déficit structurel qui représentera environ 900 millions d’euros par an, soit au cumul, entre 4 et 5 milliards d’€ en 2025. Un levier budgétaire immédiat (via une loi de finances rectificative soumise au Parlement) pour compenser le déficit du service universel comme sont compensés les déficits des autres porteurs de mission de service public (audio-visuel, énergie, ferroviaire).
Un levier fiscal par l’abattement fiscal sur la taxe sur les salaires pour les rémunérations versées aux postiers qui opèrent sur le SUP, ce qui reste conforme aux directives européennes et qui représenterait une économie de 270 millions d’€ pour La Poste. Un autre levier fiscal au travers de l’élargissement de l’assiette de la taxe sur les opérateurs numériques qui « profitent » des nouveaux usages du numérique par les consommateurs au détriment des services postaux.
Enfin un levier budgétaire qui consisterait en une dotation budgétaire annuelle complémentaire pour financer le SUP et l’aménagement du territoire.
Que dit FO ? FO demande la restauration d’une relation de confiance entre l’État et La Poste avec l’adoption de mesures fiscales et budgétaires pérennes, justes, qui compensent le coût réel de toutes les missions de service public que l’État lui confie. C’est le cas pour les autres entreprises françaises chargées de missions de service public. C’est le cas aussi des autres opérateurs postaux européens qui bénéficient de mesures de compensation par leur État, en conformité avec les textes européens.
FO s’interroge également sur l’attentisme de La Poste face aux possibilités fiscales (abattements sur la taxe sur les salaires) et dans le dialogue avec l’État. Enfin pour FO, la poursuite des « efforts de maîtrise des coûts » ne doit pas conduire à la poursuite des suppressions d’emplois, la dégradation des conditions de travail et la disette salariale.
A travers cette absence de compensation, c’est le modèle économique qui est en difficulté. Pour FO c’est aussi et surtout le modèle social qui est attaqué. L’État doit prendre la mesure des enjeux sociétaux, sociaux et économiques. Comme l’écrit le rapporteur, « le traitement du déficit des missions de service public ne peut être renvoyé à l’année suivante. Il en va de la sincérité des comptes de l’entreprise et de la sincérité de l’État ».