On aurait pu penser que l’agressivité surréaliste de leur charge contre la distribution postale les aurait, au moins pour un temps, purgés de leurs instincts ultralibéraux. Erreur ! Dans une forme décidément olympique, les « sages » – bien dissipés quand même – de la Cour des Comptes ressortaient récemment la sulfateuse. Dans le viseur, le réseau des bureaux de Poste, cette pétaudière surpeuplée de feignants chroniques. Réaction immédiate de FOCom bien sûr, rappelée en détails dans les pages qui suivent. L’occasion pour Force Com de revenir plus en profondeur sur le sujet, avec l’appui de la responsable fédérale du réseau dont vous lirez une interview dans ces colonnes.
la cour des compte rêve-e-elle de diriger La Poste ?
C’est la question qu’on peut légitimement se poser après la deuxième salve de critiques visant le service public postal, tirée depuis février par les « Sages » de la rue Cambon.
Quitte, selon une fâcheuse habitude, à outrepasser leur rôle de contrôleurs comptables pour s’ériger en juges de l’opportunité et, plus grave, à prescrire au Gouvernement et aux dirigeants des entreprises publiques les orientations et décisions qui relèvent de leur seule prérogative. Sans oublier l’abus de pouvoir consistant à s’immiscer dans le champ du dialogue social en cherchant à remettre en cause des accords ayant force juridique.
Après le rapport « consistant » paru en début d’année prônant la remise en cause du Service Universel du Courrier et du statut des facteurs, la Cour des Comptes s’attaque maintenant au réseau des bureaux de poste et aux guichetiers.
La procédure choisie, celle du référé, ne manque pas de surprendre, de par son esprit comminatoire et le climat « d’état d’urgence » qu’elle instille. La Poste serait-elle au bord du gouffre ? En sept pages, le destin des 57 000 guichetières et guichetiers ainsi que celui des millions d’usagers quotidiens des bureaux de poste est réglé… Encore une fois, les juges financiers, cloîtrés dans leur laboratoire économétrique, méconnaissent les réalités humaines et les spécificités d’un réseau de service public. De plus, même si le développement des mutualisations publiques semble recueillir l’assentiment de la Cour (maisons de service public, facteurs-guichetiers), celle-ci ne les considère que sous l’angle de la réduction des coûts, sans en percevoir la dimension qualitative. Et de toute façon, la solution préférée demeure l’externalisation des guichets postaux vers le privé, la référence à l’Allemagne et à l’Angleterre étant érigée en totem.
Toutefois « l’originalité », si l’on ose dire, de cette nouvelle offensive est d’aborder un sujet jusqu’à présent mis sous le boisseau en vertu du principe « y penser toujours, n’en parler jamais », à savoir la « grande transformation » du paysage postal dans nos villes. La Cour, sans doute en éclaireuse missionnée, met les pieds dans le plat. La configuration qu’elle préconise, digne d’un exercice marketing pour école de commerce, vise à découper l’espace urbain en zones de chalandises et donc de pouvoir d’achat, tout en cantonnant le plein exercice des missions de service public (on pense notamment à l’accessibilité bancaire) vers les quartiers populaires. Ce serait là une véritable « discrimination négative » rendant caduque, sous une apparence caritative, l’égalité entre citoyens.
Autre grave sujet de préoccupation pour FOCom. Que cela concerne la poste des « villes » ou celle « des champs », la Cour se livre à une ingérence caractérisée dans la sphère des relations sociales. En effet, elle n’hésite pas à remettre en cause des accords dûment signés, plus précisément sur les dispositifs de préretraite et « le rattrapage des rémunérations des personnels salariés sur celles des fonctionnaires », grande revendication syndicale, sans oublier de déplorer l’accord guichetier revalorisant les rémunérations. La Cour des comptes voudrait-elle devenir une sorte de Conseil constitutionnel du dialogue social ? FOCom dénonce cette ingérence comme un excès de pouvoir.
Derrière le paravent de l’intégrité d’une magistrature, à quel jeu la Cour des comptes se livre-t-elle ? Quels intérêts sert-elle ? À qui rend-elle service en permettant de justifier des mesures que l’on n’ose pas assumer de son propre chef ?
Cette dérive s’inscrit dans un détournement plus vaste et inquiétant des pratiques républicaines, comme en témoigne l’usage intempestif et inapproprié de l’article 49.3, l’irrespect de la règle légale de consultation préalable des syndicats sur le projet de loi modifiant le Code du travail, le mépris de directives de l’OIT, qui pourtant s’imposent de droit à tous les États. Dans ce climat, la tentation d’un « Gouvernement des juges » est palpable. La Cour des comptes aspire-t-elle à diriger La Poste ?
Le 11 mai 2016, sur France 2,
Philippe Charry, Secrétaire Général de FOCom, réagit au nouveau rapport de la Cour des comptes : « Les gens qui travaillent dans les bureaux de poste sont des gens qui travaillent dans des conditions difficiles, subissent des incivilités et tout une série
d’autres choses difficiles à gérer du fait de l’état social du pays. Et ça, la Cour des comptes l’ignore totalement, elle est dans le mépris total par rapport à eux. Il est inacceptable de traiter les gens comme ça, dans un rapport à l’emporte-pièce, fait par des technocrates qui n’ont qu’une chose à l’esprit : leur tableau Excel… »